Animé : March comes in like a Lion, saison 1


Mon avis : coup de đź’•

Genre : tranche de vie, psychologique, compétition
Public : ado et adultes
Statut de la série : 1 saison terminée, la 2nde commence le 14 octobre



Synopsis 

Rei Kiriyama, 17 ans, est un adolescent plutôt marginal dont la vie entière semble tourner autour du shogi (échecs japonais). Extrêmement doué, il est devenu joueur professionnel alors qu'il n'était que collégien et, depuis, il enchaîne les matchs et les tournois. Mais malgré ses nombreuses victoires, Rei se sent vide et n'arrive pas à trouver sa place.

Sa vie va toutefois commencer à prendre une toute autre tournure suite à sa rencontre avec Akari, qui vit à quelques mètres de chez lui, et des petites soeurs de cette dernière : Hinata et Momo.


Ne vous laissez pas abuser par le graphisme doux et rond des personnages : March comes in like a Lion n’est pas une romance shojo. D’ailleurs ce n’est pas un shojo. Ni une romance. Pas l’ombre d’un intérêt amoureux à l’horizon pour le héros dans cette saison.

Au contraire, sous le prétexte du milieu professionnel du shogi (échecs japonais), il s’agit d’une histoire qui traite de sujets graves : dépression, deuil, personnalités toxiques... Pourtant, loin de se complaire dans le négatif, March comes in like a Lion montre le parcours d’un jeune homme combatif, apporte des messages d’espoir, des moments trop mignons et même beaucoup de fous rires.


Une lutte contre la dépression


Si le superbe opening nous donne des indices sur les thèmes de l’animé, les premières minutes viennent dissiper nos derniers doutes. Après un cauchemar, mélange de souvenirs et symbolisme, Rei se réveille dans son appartement qui contient en tout et pour tout un futon, une armoire, une pile de cartons et un plateau de shogi. Il se prépare à gestes lents, comme si chacun était une épreuve.

On est frappé par le silence, pesant, qui l’accompagne, et la sensation de malaise qui s’en dégage.

Puis pendant quelques plans, nous suivons Rei qui prend les transports pour se rendre à un match de shogi. Il a manifestement un lien avec son adversaire, mais ne lâche pas un mot face à lui, tandis que l’homme tente de faire la conversation ; des bribes de souvenir entrecoupent le match.

Rei parle pour la première fois seulement à la moitié du premier épisode. Ses mots sont amers, la phrase est courte et elle résonne d’autant plus. Il ne sourit pas une seule fois, semble retiré du monde.

Et puis, alors qu’il est assis seul face à la rivière, Rei est invité à dîner par un message qui ne lui laisse pas trop le choix et arrive sur le seuil d’une vieille maison japonaise.

Tout d’un coup : couleurs, sons, animation. Une mignonne petite fille sautille de joie avec un chat dans les bras, ses deux grandes sœurs accueillent le jeune homme, l’une avec une joyeuse énergie, la plus âgée avec une douceur maternelle. Pour la première fois, nous voyons Rei sourire et se connecter avec d’autres.


Cette première moitié de l’épisode 1 résume à elle seule l’ambiance de l’animé : de moments noirs à l’exubérance colorée, de la solitude à la chaleur, du silence au joyeux brouhaha. Les trois soeurs sont généreuses et dynamiques malgré leur propre lot de peines, leur maison ancienne et leurs revenus modestes. Akari, Hinata et Momo deviennent ainsi un refuge pour le héros.

À travers Rei, l’intrigue dépeint avec subtilité les symptômes typiques de la dépression : les idées noires, la perte d’estime de soi, l’hypersomnie, l’apathie. Et l’invisibilité de cet état pour un regard extérieur rapide. Son évident profil de haut QI (jeune génie du shogi, facilités d’apprentissage, préfère la compagnie des adultes...) ne l’aide pas à trouver sa place dans un milieu normatif comme l’école où il est isolé. Mais Rei sait encore rire, se lier - maladroitement parfois - avec d’autres personnes et se battre pour s’améliorer.

La narration est centrée sur le jeune homme, avec sa perception parfois distordue de la réalité. Des flash-backs nous permettent de découvrir peu à peu son passé, des allégories de comprendre ses sentiments. Les scènes de tensions jouent sur plusieurs plans : les mots, les expressions, la musique, les cadrages... tout est fait pour créer un sentiment de malaise. L’ambiance est si réussie qu’on souffre vraiment avec Rei. J’ai eu de nombreuses fois envie de le prendre dans mes bras pour lui dire qu’il avait de quoi être fier de lui, qu’il ne méritait pas d’avoir si mal. J’ai ressenti une empathie incroyable pour lui.

Je crois que c’est la grande force de cette histoire : transmettre le ressenti d’un garçon en souffrance, qui avance malgré tout - avec une conscience aigüe de son état dépressif - à la seule force de sa volonté et son intelligence, tout en nous offrant des moments de bonheur. C’est une tranche de vie au sens le plus noble du terme, avec toutes les joies et les peines de notre condition humaine.


La symbolique de l’eau


March comes in like a Lion utilise les éléments naturels comme allégories des émotions des personnages : des ronces qui retiennent Rei dans le premier opening, au vent qui souffle lorsqu’il est tourmenté, en passant par l’éclair qui accompagne une de ses connaissances.

Mais la plus frappante est celle de l’eau, présente dès les premières images et les premiers sons : dans les quelques secondes qui précèdent le générique, dans ce dernier, dans les premiers plans de l’épisode. Et au réveil de Rei son premier réflexe est d’en boire, puis de se lever pour contempler la rivière sous sa fenêtre.

L’eau est omniprésente sous toutes les formes, de bulles qui remontent dans une bouteille, à la rivière, en passant par la représentation des sentiments de Rei - et d’autres personnages - sous forme de noyade, de vagues, de tempête en mer, voire de neige. Le jeune homme revient sans cesse au bord de la rivière, pour s’y perdre dans ses pensées, confronter quelqu’un, décharger ses émotions.

Je vous avoue qu’avec cette fascination quasi-morbide de Rei pour la rivière - il a même choisi de vivre dans cette ville pour sa présence - qui semble l’attirer chaque fois qu’il est au plus mal, j’ai eu plusieurs fois peur qu’il saute. Bien qu’il n’y ait aucune indication explicite en ce sens, j’ai ressenti un malaise très net à plusieurs reprises dans les premiers épisodes, alors qu’il la fixe depuis la rive ou un pont.

En effet, Rei semble tout d’abord se trouver émotionnellement au fond de l’eau, où images et sons lui parviennent déformés, sans saveur. Cet élément est ici un double symbole, à la fois indispensable pour vivre, mais également mortel et un frein pour avancer - comme dans l’ending -, capable de submerger. Beau et terrifiant à la fois. Un peu comme le shogi aux yeux du jeune homme.

Le pont qui enjambe la rivière porte également une symbolique très forte : il relie le quartier de Rei et celui des 3 soeurs. Lorsque l’adolescent le traverse pour les rejoindre, il accepte consciemment de passer la rivière pour se connecter avec d’autres personnes. Selon son humeur ou les circonstances son environnement prend des teintes différentes, des plus sombres aux plus chaudes.

 

Le shogi : allié ou ennemi de Rei ?


March comes in like a Lion est une histoire de compétition qui pourrait tomber dans le schéma des shonen sportifs lycéens. Cependant l’ambiance est ici beaucoup plus mature malgré l’âge du héros : peut-être parce que presque tous ses opposants sont des adultes ; ou du fait de la personnalité de Rei, précoce et autonome ; à moins que ce soit lié au milieu professionnel.

En effet, ici les enjeux ne sont pas de battre une équipe d’un autre lycée pour gagner une coupe, mais de monter dans les grades, de gagner des titres, dans le but d’en vivre. Rei est résolu à avancer par ses propres moyens, sans rien demander à personne : s’il est dépressif, il n’est ni faible ni stupide. Et à travers son travail acharné, sa volonté inébranlable de gagner ses matchs, de progresser, l’animé nous montre que sa maladie et son passé douloureux ne le définissent pas en tant que personne.

Pourtant, suite à son histoire familiale, Rei a une forme de relation complexe avec le shogi, un amour-haine. D’un côté il semble le détester, de l’autre il estime n’avoir que ça dans sa vie, encaisse mal les défaites. Ses difficultés pour avancer dans ce milieu sont un parallèle avec les épreuves de la vie : chaque obstacle surmonté en cache un nouveau. À travers son gain d’expérience dans le shogi, il gagne aussi en leçons de vie.

L’autre différence majeure avec un animé de sport comme Haikyuu par exemple, c’est l’absence d’équipe. Le shogi est une activité individuelle, face à un adversaire. Oui mais voilà, ces adversaires sont aussi des personnes qui peuvent devenir des rivaux, des amis, des ennemis, des mentors. Au fil de la saison on voit différents aspects de ces compétitions et les divers liens qui unissent les joueurs.

Comme plusieurs mangaka avant elle, Chika Umino a réussi à me faire plonger dans une histoire qui tourne autour d’une activité qui ne m’attirait pas plus que ça. Je ne suis pas fan d’échecs et le shogi en est la version japonaise. J’ai au moins compris les grandes règles, notamment grâce à des épisodes avec des moments de kitsch japonais dans toute leur splendeur où des chats qui représentent les différentes pièces expliquent les mouvements en chantant !

Beaucoup de subtilités m’ont cependant échappé : ça n’a aucune importance. Tous ces passionnés ont réussi à m’entraîner dans leur monde qui demande des années de travail acharné pour atteindre les sommets. Rei est peut-être un jeune prodige mais il n’a pas la science infuse, ni l’expérience de la plupart de ses adversaires et sa progression le reflète également.


Esthétique


Dès les premières images j’ai su que j’étais devant un animé esthétiquement très réussi. De ses décors soignés, à ses cadrages intimistes, en passant par les allégories visuelles et sa superbe musique, c’est tout du long un régal pour les yeux et les oreilles.

Le style puise plus ou moins explicitement dans des influences impressionnistes. Le second ending enchaîne des images de toutes beauté qui rappelle du Monet et du Van Gogh : je ne peux m’empêcher de voir la Chambre à Arles dans le plan ci-dessus à droite.

Ce dernier artiste est en revanche impossible à manquer dans la scène que j’ai mis en haut à gauche. Par ailleurs, les lumières du soleil et de la lune sont toujours représentées avec un halo de cercles concentriques (comme sur le plan ci-dessous à gauche) : encore une caractéristique du maître. 

Dans un animé qui traite de santé mentale j’ai du mal à y voir un choix tout à fait arbitraire.


Par ailleurs, l’art se met ici au service de la narration. En jouant sur les lumières et couleurs, les images transmettent les sentiments aussi sûrement que les mots. Le contraste est saisissant entre les séquences de dépression en noir et blanc et la douceur colorée des moments passés avec les 3 soeurs, entre la lumière froide de la nuit, seul, et celle, chaude, d’un moment de bonheur avec un ami. Le soleil couchant flamboyant reflète un instant de colère. Un rival inaccessible est nimbé d’un halo blanc.

Les cadrages viennent encore accentuer les émotions de certaines scènes, essentiellement en zoomant sur les yeux ou la bouche. C’est particulièrement frappant dans les moments de tension, surtout avec le personnage que l’on voit dès les premières images, qui a une relation extrêmement complexe avec Rei, peut-être l’une des plus intéressante de l’animé d’ailleurs.


Au final, March comes in like a Lion peut parler à tout le monde car, au-delà d’une histoire de compétition, c’est un récit de la condition humaine. Chacun peut se reconnaître en Rei, un personnage qui malgré les épreuves, malgré la souffrance, avance. Tout comme lui, chacun peut apprécier les petits bonheurs de la vie dont cet animé regorge : aussi sérieux et complexe qu’il soit parfois, ce n’est pas une histoire déprimante. Au contraire, voir ce jeune homme évoluer est un message d’espoir. Et la preuve que la vie est moins douloureuse lorsque l’on s’entoure des bonnes personnes.


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