Fantasy : créer un monde

Voici quelques pistes de réflexion issues de mon expérience personnelle de création du monde de L'Opale de Feu. Elles n'ont donc vocation ni à l'exhaustivité, ni à la vérité absolue.

Si vous êtes auteur ou lecteur de fantasy, je vous invite à apporter également votre point de vue dans les commentaires !

Les éléments surnaturels

Le principe même de la fantasy est d'intégrer certains éléments surnaturels au monde (contrairement au fantastique où ils font irruption dans le monde normal contre toute attente). D'ailleurs lorsqu'on écrit de la fantasy, c'est souvent qu'on affectionne la magie ou les créatures fantastiques.

Pour autant, il s'agit de poser des règles à ces éléments. En effet, si pendant 600 pages votre héros a été limité par sa magie et que finalement d'un claquement de doigt il sauve le monde, le lecteur va avoir la légère sensation qu'on se paye sa tête (ou alors vous avez intérêt à bien expliquer comment ce claquement de doigt est soudain devenu supra puissant ! Bon courage !).


Donc s'il y a de la magie, définissez ses principes : que peuvent ou ne peuvent pas faire ses détenteurs ? Comment ils l'acquièrent ? Comment ils progressent ?

Petit exemple avec la magie des animas dans L'Opale de Feu :
- il s'agit d'un lien d'âme entre un humain et un animal intelligent appelé anima ;
- l'humain et l'anima sont du même sexe, puisqu'ils sont deux parties d'une même entité ;
- ils peuvent communiquer entre eux par télépathie sauf en cas d'éloignement géographique ;
- les animas ne parlent pas à voix haute et ne communiquent donc qu'avec leur humain ;
- leurs vies sont liées : si l'un meurt, l'autre aussi ;
- l'humain obtient des attributs de son anima, c'est à dire qu'il possède des caractéristiques de l'espèce (plumes, griffes, sens différents...) ;
- ils l'acquièrent à la naissance ;
- la progression est un autre débat qui m'amènerait à vous spoiler le tome 1 ! 😉

Voilà, avec ces règles, Cateline qui est liée à un chat ne va pas soudainement se mettre à voler ou respirer sous l'eau. De même, son anima Kaslane ne va pas faire un discours devant toute la tribu.

En bref : il faut que ce soit cohérent.

Différents éléments surnaturels peuvent évidemment cohabiter (s'ils n'entrent pas en contradiction). Dans L'Opale de Feu les animas ne sont pas les seuls animaux fantastiques (oui, il y a bien un lion ailé, mais pas que !) et l'Imperator (l'antagoniste) utilise une forme de magie qui tient de l'alchimie, à base de potions.

Lois physiques, biologiques et géographie

Ce second point découle en partie du premier : le surnaturel affecte peut-être ces lois.

Si vous n'êtes pas sur de la fantasy urbaine dans notre propre monde, vous allez devoir créer une planète (voire un univers, soyons fou !). À quel point est-elle différente de la nôtre ? 

Pour ma part, la planète où se déroule L'Opale de Feu possède des lois similaires à la nôtre : le soleil se lève à l'est (d'ailleurs il n'y en a qu'un), quatre saisons se succèdent, vous pouvez retrouver des biotopes équivalent chez nous. C'est un parti pris, je voulais de la fantasy qui donne envie de voyager sur notre propre Terre et d'aller à la rencontre de différents peuples, qui sont eux aussi inspirés d'ethnies existantes.

Mais bien entendu rien ne vous empêche de créer un endroit dont les saisons durent plusieurs années (non, non, ce n'est pas une référence au Trône de Fer ! 😁), qui possède quatre lunes (pour les marées c'est une autre histoire !) ou dont la gravité est différente de la nôtre. C'est tout l'intérêt de la fantasy : la seule limite est l'imagination !

En tout cas, de toutes ces lois découle la géographie de votre monde ou portion de monde, et donc la carte si vous en incluez une comme moi.
J'ai passé un certains temps à réfléchir aux reliefs, courants d'air et marins, et la façon dont tout cela affecte le climat. Pour les besoins de mon récit, il me fallait une zone de désert froid au nord et de désert chaud au sud, sans qu'il n'y ait non plus des mois pour aller de l'un à l'autre par bateau ou cheval. Je ne sais pas à quel point le résultat est cohérent, d'autant que je suis une quiche pour évaluer les distances, mais en tout cas ce n'est pas faute d'y avoir réfléchi (certaines amies auteures diront d'ailleurs que je me prend trop la tête - dédicace Azel Bury et Alexandra 😉).

La société : peuples, croyances, politique...

Maintenant que vous avez un monde, il s'agit de le peupler. 

Combien de peuples / nations pour votre histoire ? 

Dans le cas de L'Opale de Feu il y a deux peuples : les Hallgerds et les Âmes Liées. Mais en réalité le second se décline en de nombreuses ethnies qui vivent en tribu.
Évidement chaque groupe a ses spécificités : mode de vie, croyances, système de gouvernance, hiérarchies, langues... Tous ces éléments doivent être pensés lorsqu'il y a un contact entre les personnages.

Comme je l'expliquais, mon roman est une invitation au voyage et les tribus que j'ai créées viennent de modèles bien réels : Indiens d'Amérique pour les Sajaras (tribu de Cateline), Inuits dans le tome 2, Touaregs dans le tome 3... Je m'inspire de mes recherches pour leur mode de vie, coutumes ou vêtements, tout en le retravaillant à ma sauce bien sûr. Les croyances sont souvent de type animiste, tandis que chez les Hallgerds la religion a été interdite par l'Imperator, dictateur militaire.

Autre élément important qui va avec le précédent : l'époque. Oui, vous aller me dire, ce monde n'existe pas, alors on ne peut pas vraiment parler d'Histoire. Tout est dans l'ambiance que vous voulez créer, rien à voir entre un monde steampunk, médiéval ou futuriste.

L'Opale est dans une période qui serait entre le Moyen-Âge et la Renaissance (je sais, chez nous il n'y a pas vraiment de période entre les deux). Je vois mes Hallgerds habillés comme à la Renaissance, mais les armes à feu n'existent pas. L'architecture de leurs villes est plus délicate que des châteaux forts et l'Imperator navigue sur une caravelle. Certains lecteurs me disent imaginer cet empire comme celui des Romains. Disons en tout cas que c'est un monde ancien, peu technologique.

Les choix réalisés pour cette société imaginaire auront des conséquences non seulement dans le déroulement de l'intrigue, mais également dans le vocabulaire employé. Pour L'Opale de Feu, exit les "agir comme un robot" pour des raisons évidentes.
Ce qui m'a parut moins évident en revanche, ce sont les termes d'origine religieuse. Point de Chrétienté dans L'Opale de Feu, aussi je me reprend souvent lorsque j'écris : "envoyer au diable", "être aux anges". Le plus embêtant pour moi est de trouver des jurons et exclamation sans connotation religieuse tout en ne tombant pas dans le vulgaire (c'est du jeunesse tout de même). Les "oh mon dieu !", j'évite (encore qu'on ne dit pas à quel dieu on se réfère finalement), la seule concession que j'ai faite est pour "bon sang !" qui correspond normalement au sang du Christ, mais est moins évident d'emblée (et collait trop bien avec le caractère du personnage et sa situation).


Pour compléter cet article, je vous invite à découvrir cette courte vidéo Ted-ed : How to build a fictional world.

Je vous conseille également la lecture de Comme par Magie de Terry Brooks, un livre qui m'a aidé dans mes début lorsque j'ai créé le monde de L'Opale de Feu, mes animas et bien sûr Cateline et Kaslane.

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Commentaires: 2
  • #1

    Guy Morant (mardi, 31 mai 2016 18:34)

    Bonjour Anne-Cerise,

    Bon résumé que cet article, qui me rappelle le livre d'Orson Scott Card, Comment écrire de la SF et de la Fantasy.

    Petit ajout, pour la fine bouche : j'aime bien le principe (dramaturgique) du prix de la magie. Car il est facile de donner à nos héros des pouvoirs illimités (ou limités seulement par les antagonistes, comme dans les histoires de super-héros) qui paraîtront rapidement excessifs aux lecteurs. Le prix de la magie, c'est ce que doit payer le magicien en échange de son don, ce qui rééquilibre la balance de l'univers, sans cela trop favorable au personnage. En d'autres mots, la magie ne peut être totalement positive, sous peine d'apparaître comme une facilité narrative.

    Le magicien peut être solitaire, stérile, condamné à lutter contre des forces obscures, menacé par la folie, affligé de laideur ou de diverses infirmités, condamné à mourir jeune, etc. L'important, c'est que sa magie apparaisse comme une malédiction autant qu'un précieux cadeau du destin. En plus, le prix de la magie fournit à l'auteur un conflit interne, qui ajoute de l'épaisseur au personnage.

    Au fond, j'ai l'impression que tu as suivi ce principe dans l'Opale de Feu, car ta protagoniste subit un destin dont elle se serait bien passée !

  • #2

    Anne-Cerise (mercredi, 01 juin 2016 01:01)

    Merci pour ton ajout Guy ! Oui le super pouvoir extra sans inconvénient ça manque un peu d'intérêt je suis d'accord.
    En plus de cette histoire de "destin", pour la magie des animas on peut dire que le fait d'être 2 est à la fois un avantage et un inconvénient. Avec 2 corps matériels dont la vie est liée, tu as 2 aussi 2 fois plus de chances de mourir.